Résumé
Les pays de l'UEMOA organisent de façon régulière des enquêtes sur les conditions de vie des ménages. Les données issues de ces travaux permettent d'apprécier les conditions de vie des populations à l'intérieur des Etats, mais ne permettent pas des comparaisons entre les Etats du fait d'un ensemble d'éléments liés aux méthodes et conditions de collecte de ces données. Pour pallier cette insuffisance, la Commission de l'UEMOA met en oeuvre un Programme d'harmonisation et de modernisation des enquêtes sur les conditions de vie des ménages (PHMECV). Elle a bénéficié dans ce cadre de l'appui technique et financier de la Banque mondiale a pour objectif d'améliorer la disponibilité, la qualité et la comparabilité des indicateurs de suivi de la pauvreté et des conditions de vie des ménages dans ses Etats membres. Ainsi, l'EHCVM a été lancée dans chacun des pays membres de l'UEMOA.
Au Burkina Faso, l'étude a été réalisée par l'Institut National de la Statistique et de la Démographie (INSD) en 2018. Elle a porté sur un échantillon de 7 020 ménages et a mobilisé d'importantes ressources financières et matérielles. La collecte des données s'est déroulée en deux vagues comptant chacune la moitié de l'échantillon. Débutée en septembre 2018, elle a pris fin en juillet 2019. La mise en place d'une équipe de veille et l'usage des supports électroniques a permis de contrôler la cohérence des données durant tout le processus. Les informations collectées dans le cadre de cette opération ont fait l'objet d'un traitement et ont permis de procéder à des analyses sur des thématiques qui abordent au moins 15 secteurs clés, à même de rendre compte aussi fidèlement des conditions de vie des ménages burkinabè.
L'analyse des données montre que de façon globale, le milieu urbain, les régions du Centre et des Hauts-Bassins, les ménages dirigés par des chefs instruits et non pauvres présentent les meilleurs indicateurs dans les différents domaines. Les régions du Sahel et dans une moindre mesure de l'Est accusent de nombreux retards par rapport aux autres.
L'incidence de la pauvreté se situe à 41,4% au niveau national en 2018. De plus, nos résultats montrent que cinq habitants sur dix du milieu rural sont pauvres contre un habitant sur dix en milieu urbain. Deux régions se démarquent des autres selon l'incidence de la pauvreté qui sévit au sein de leur population. La région du Centre, où la pauvreté monétaire a une incidence faible (5,3%) et la région du Nord qui compte plus de pauvres au sein de sa population, soit 70,9%.
L'une des caractéristiques essentielles de la population burkinabè est sa jeunesse, car plus de la moitié (53,4%) ont moins de 18 ans. Les femmes représentent 51,8% de cette population.
Dans le domaine de l'éducation, les défis sont énormes, car la population adulte est majoritairement analphabète (61,7%). Les inégalités de scolarisation entre filles et garçons ont connu une baisse, mais elles sont persistantes selon la zone ou la région de résidence.
De même, le taux de chômage connaît une baisse, car il est de seulement 2,9%. Toutefois, le sous-emploi demeure une contrainte majeure, car il est estimé à 39,1%.
Le pays connaît une dégradation de l'état global de la santé par rapport à la situation de 2014. En effet, 29,5% des burkinabè ont souffert d'une maladie ou ont subi une blessure ou un accident. Parmi cette population morbide, 59,6% ont connu une morbidité sévère. Les principales causes de cette morbidité sont par ordre d'importance, le paludisme, les problèmes respiratoires et les problèmes gastriques.
A ces difficultés d'ordres sanitaires s'ajoutent les problèmes d'accès aux logements décents. Environ 61,2% des ménages vivent dans des logements en matériaux précaires et 23,2% dans la promiscuité. Seulement 24,4% sont connectés au réseau de la SONABEL et 28,7% utilisent l'énergie solaire. Aussi, l'accès à l'eau reste limité de même que l'assainissement.
Six principales sources de revenus existent pour les ménages burkinabè. Elles ont permis au pays d'avoir un revenu total estimé à 6 621,8 milliards de FCFA en 2018. Les entreprises non agricoles représentent la moitié de ce revenu, suivi des revenus de l'emploi qui représentent le quart et l'agriculture qui procure 15% du revenu. A l'échelle des ménages, le revenu annuel moyen est estimé à 2,023 millions de FCFA et le revenu annuel par tête est de 0,477 million de FCFA. Ces revenus auraient pu connaître un niveau plus élevé si le niveau de productivité du secteur de l'agriculture était meilleur. La difficulté de ce secteur réside dans le fait que les 12 Enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages de 2018 (EHCVM-2018)
productions végétales et animales se font dans des conditions agro-climatiques contraignantes et le niveau d'équipement et de technicité est faible. De ce fait, le pays peine à assurer la sécurité alimentaire, augmentant ainsi les dépenses de consommation des ménages.
Les entreprises familiales occupent une place importante dans l'économie burkinabè, car il en existe au moins 2,1 millions. Ces entreprises exercent dans un contexte national marqué par un faible taux de bancarisation (12,3%). Toutefois, l'utilisation des services financiers (22,3%) connaît une nette amélioration grâce à l'avènement du mobile Banking. Outre les revenus tirés des activités conduites par les populations, les transferts monétaires constituent une importante source de revenu pour les ménages burkinabè. Environ 33% des ménages ont reçu au moins un transfert monétaire au cours des 12 mois précédents l'enquête. Le montant total reçu a doublé en passant de 111 milliards CFA en 2014 à 202 milliards FCFA en 2018. Le montant moyen par ménage ayant reçu un transfert en 2018 est de 132 319 FCFA.
Les ménages burkinabè subissent assez régulièrement des chocs qui ont des impacts négatifs sur leurs revenus, les avoirs, la production, les stocks et les achats alimentaires, etc. Face à ces chocs, plusieurs stratégies sont développées parmi lesquelles l'utilisation de sa propre épargne (55,2%), le recours à l'aide des parents ou d'amis (21,3%) et le changement d'habitude de consommation (9,0%). Peu de ménages bénéficient de l'aide de l'Etat.
Parmi les programmes de filets sociaux de sécurité étudiés, les prises en charge des enfants de moins de 5 ans et des femmes enceintes enregistrent les meilleures performances (48,6%), car plus de ménages pauvres y ont accès. L'un des défis majeurs de ces actions est l'amélioration des méthodes de ciblage des ménages pauvres et vulnérables.